L’homme assit dans son bureau hocha la tête. Lucas s’attendait un peu à la même chose que dans les films, comme un coup de tampon sur sa fiche. Mais il n’y eut rien de cela. Une fois que l’homme eut fini avec ses questions, il se contenta de se lever et de lui serrer la main. Bienvenu dans la Légion Etrangère. Ce furent les seuls paroles avant que Lucas ne sortent. On lui apporta une feuille avec son affectation et la marche à suivre.

Pas d’autres questions. Comme dans la légende, on ne demande pas pourquoi on s’engage dans la légion. Lucas aurait certainement dit qu’il voulait défendre son pays, et faire partie de la grande famille de la légion. La vérité était un peu plus triste. A 19 ans, il venait de connaitre une rupture difficile et son jeune cœur romantique ne supportait pas ce chagrin. Alors il s’engageait. Et en ce 24 juin 1998, sa vie prenait un tournant radical.

L’entrainement est exigeant, aussi bien mentalement que physiquement. Mais ce n’est pas de la torture, ni de la maltraitance. Le jeune soldat constate qu’on n’est jamais seul, jamais abandonné, jamais maltraité. Juste poussé à donner le meilleur et être meilleur.

Les premiers mois passent rapidement et finalement, Lucas reçoit son képi blanc. Il est officiellement légionnaire. La suite n’est qu’entrainement sur différents terrains, différents espaces, avec différentes personnes.

Jusqu’à l’année 1990. L’opération Tempête du désert marque la première grande opération de Lucas, une officielle, une où son bataillon est déployé avec drapeau et fanfare. Mais finalement, ce n’est différent du reste pour Lucas. Juste un risque en plus. L’homme traverse ces évènements sans en être marqué plus que ça.

Le temps passe, sans rien de plus marquant dans la vie du légionnaire Mathieu que son entrée parmi les pionniers de la légion et l’honneur de défilé le 14 juillet 1998 sur les champs Élysées.

Les choses se compliquent lorsque le virus frappe le monde et que rien ne semble pouvoir l’arrêter. Certains pays sombrent dans le chaos. La France intervient dans certains, et le régiment de Lucas va de pays en pays pour des missions de maintient de la paix. Ce n’est pas une guerre comme les autres. Les gens deviennent fous, s’attaquent entre eux pour une boite de conserve et certains attaquent même les soldats pour leurs rations. Ce n’est plus la guerre, ce n’est plus un combat. On tire sur de pauvres personnes qui n’ont qu’une barre de fer à la main, parce qu’elles n’ont plus rien à perdre et qu’il faut se défendre.

La Légion ne recule pas. Alors Lucas avance. De village en village. Certains complètement vides, d’autres avec une poignée de survivants qu’il escorte jusqu’au camp de réfugié suivant. Parfois on brûle un village. Parfois on abat les habitants qui s’y trouvent, toujours pour se défendre, mais ce n’est pas juste. Que peuvent faire des paysans affamés, perdus et désespérés, même armés d’un fusil, contre un convoi blindé.

De retour en France, Lucas n’est plus tout à fait le même. Le sang qui a coulé a entaché son âme et il ne rêve plus que de la paix.

Après 20 ans de service, l’homme prend une nouvelle décision difficile. Il quitte la légion, laissant derrière lui ce qui a été l’essentiel de son existence. Armes, combat, entrainement, drapeau. L’homme quitte son casernement pour trouver la paix.

La Lozère, encore plus désertique depuis l’épidémie semble l’endroit parfait pour soigner ses blessures et l’argent qu’il a de côté et sa retraite de militaire lui permettent de s’acheter une terre agricole et de vivre sans chercher à produire intensément. Juste un retour à la nature. Travailler simplement, avec amour, et du temps.

Mais le monde ne tourne pas ainsi. Il faut produire plus, même s’il y a moins de personne à nourrir. Un petit terrain non rentable est une tâche à la vision d’un village moderne. Il faut construire de nouvelles maisons pour accueillir des cadres fuyants la ville, travaillant à distance.

Lucas est fatigué de se battre et très rapidement, il abandonne. Il ne veut plus monter à l’assaut. Il aurait pu, il aurait dû se battre, car il aurait gagné. Mais la guerre a été son quotidien trop longtemps. Alors il laisse ses terres, ses champs, ses moutons et ses vaches et part.

Le Pandornium lui offre une opportunité. Un lieu clos, avec régulation de la population. Un endroit sans arme, où il pourrait avoir son champ, son élevage, une forêt. Une vie de solitaire. Il n’en faut pas plus pour le soldat fatigué.

Lucas devient Lozanne. Choisir un clan n’est pas dans son intérêt, mais on ne peut être complètement marginal ni rejeter ce qu’on est. Le devoir coule dans les veines de Lozanne. Si les Robustes auraient été heureux d’avoir le géant parmi eux, c’est vers les Attentifs que se dirige Lozanne. Il n’est plus un guerrier, juste un agriculteur.