15 Mai 1999 Ce Van, c'est toute sa vie. C'est là qu'elle vit quand elle n'est pas sur le trottoir ou dans le lit d'un homme. Serviette entre les dents, jambes écartées, elle transpire. Sa meilleure amie la soutient. Et bientôt l'enfant ne tarde pas à venir au monde dans les mains de l'infirmière présente. La mère prend cette petite créature dans ses bras mais ne le regarde pas. L'enfant cherche son regard mais il ne l'aura jamais. Il peut s'estimer heureux : elle lui donnera tout de même à manger et prendre le temps de lui changer la couche.

17 Février 2001 Assit à même le sol, les petits yeux de l'enfant voient toujours la même chose et ses oreilles n'entendent que ces gémissements. Il n'a pas de nom, parce qu'on n'a jamais jugé bon de lui en donner un. Cette femme ne le regarde jamais. Elle s'occupe à peine de ses besoins primaires tandis qu'elle continue de faire le trottoir. Comment les hommes peuvent être attirés par une femme avec un gosse dans les bras ? Il ne sait pas. Mais il les voit : ces regards qui se posent sur lui. Et il ne les esquive pas. Parce qu'il ne les comprend pas.

15 Mai 2005 6 ans. Il paraît que c'est l'âge qu'il a désormais aujourd'hui. 6 ans qu'il reste assit à observer sa "mère" se faire des hommes sous son nez. Alors qu'il pensait passer encore sa journée sur le trottoir, cette fois la femme prit un autre chemin. L'endroit n'était pas fameux et sentait vraiment mauvais. Mais elle y entra en le tenant fermement. Et puis elle en ressortit, un sac entre les mains, l'abandonnant là. Même si elle ne lui avait jamais offert d'amour, l'enfant ne put que pleurer face à la silhouette qui s'éloignait. Et puis on l’entraîna plus loin. Lui, l'enfant muet, reçu enfin une identité : Joseph Flores.

23 Août 2005Il parle. Peu, mais il parle enfin. Il sait désormais les jours de la semaine et se situer dans le temps. C'est ainsi que Joseph n'oubliera jamais le jour où cet homme est entré dans sa chambre. Il n'oubliera pas non plus les billets verts dans les mains du Proxénète qui l'avait recueillit depuis trois mois. Une nuit horrible durant laquelle son corps fut souillé et bâillonné pour faire taire ses cris de douleurs. Comment oublier ça lorsqu'on a 6 ans ? Impossible. En pleurs, il mettra 6 jours avant de pouvoir de nouveau marcher. Et a peine fut-il rétablit qu'on le força à recommencer. Nouvel homme. Grosse somme d'argent. De nouvelles larmes.

7 Juin 2011 Jospeh fait la joie de son Proxénète. Enfermé dans cette chambre, il n'en sort pas, sauf pour être exhibé à de rares soirées. Les jours et les nuits passent et se ressemblent pratiquement toutes. Le Flores a apprit. Il sait ce qu'on attend de lui. Il ne pleure plus devant les autres mais uniquement lorsqu'il est seul. Il la maudit de l'avoir laissé ici et pourtant il la remercie parce qu'ici il a un toit, de la nourriture et de l'argent qui s'entasse doucement. Il ne crie que si on le lui demande et ne refuse jamais rien. Son corps ne lui appartient pas et il l'a très bien comprit. Limité sur la nourriture, il est aussi frêle qu'un squelette. Ses os peuvent pratiquement se compter sous sa peau. Mais Joseph a apprit à faire avec ce corps souillé qui est le sien. Il se forge une carapace et ne montre que son côté séducteur et soumis face à ces hommes qui ne viennent que pour leur plaisir.

31 Août 2014 Joseph n'était pas dupe : les chambres se vidaient doucement. Les prostituées disparaissaient. Et les clients aussi se faisaient rare. Quelque chose se passait dehors et le Flores commençait à avoir peur. Puis le Proxénète et arrivé et lui a demandé de le suivre. Sagement Joseph l'a écouté et bientôt il s'est retrouvé en route pour Pangonium.
Le lendemain il a fait la rencontre de Delphes. Lorsqu'il a apprit ce qu'il allait advenir de lui, il a alors saisit cette chance. Une nouvelle vie. Il ne pouvait pas refuser. Puis Olympie lui a montré ses appartements et... la solitude s'est installée. Joseph n'avait jamais remarqué que sans présence à ses côtés, même si c'était pour abuser de lui, il s'ennuyait. Il en avait besoin : du contact humain. De faire quelque chose. Et puis... il ne savait pas lire. Alors il signa le contrat à l'aveugle et laissa Samothrace s'occuper de lui.
Les jours qui suivirent l'opération ne furent pas douloureux physiquement mais psychiquement. Il revécu l'abandon, cette première fois, puis ce nouvel abandon. On l'avait vendu et laissé ici avec rien. Pourquoi ? Pourquoi avait-il accepté ? Il croyait tellement à un bel avenir que... refuser aurait été impossible. La sécurité des lieux lui donnait envie. Mais subir de nouveaux ces moments de sa vie ne l'aidait pas. D'autant que personne n'était là pour l'aider à aller mieux.

7 Octobre 2014 Pangée. Cette vie dont il rêve depuis plus d'un mois. Elle se dessine enfin devant ses yeux. Iasi, c'est le nom qu'il a choisit en référence à ses origines. La seule ville qui l'a vu grandir. Il n'a rien prit. Pas d'objet, pas d'animal. Il ne veut pas d'autre attache à son passé que le nom de cette ville qui l'a vu naître.
Sagement il suit les autres et écoute ce qu'on attend de lui. Mais... c'est loin d'être ce à quoi il s'attendait. Pangée, c'est pire que l'extérieur. Toutes ces lois il n'a pas envie de les suivre. Surtout celle qui lui interdit de vendre son corps. Il a grandit ainsi, il n'est pas capable de s'arrêter. Il en a besoin...
Alors un jour où il est libre, Iasi ne tarde pas à tenter de séduire discrètement dans les rues de Pangée. Il a besoin d'attention, besoin qu'on le remarque, qu'on s'intéresse à lui. Il ne sait pas vraiment s'il a envie de sentir un corps contre le sien ou si c'est juste une mauvaise addiction, comme une drogue dont il aurait besoin pour continuer à vivre. Quelque chose qui lui permette de ne pas oublier qui il est. Et c'est là qu'il la rencontre : elle. Elle vient à lui et part de douces paroles arrive facilement à convaincre Iasi de venir avec elle chez les Exilés.

21 Octobre 2014 Debout devant tous, Iasi ne montre pas qu'il tremble. Les Rois des Clans se regardent et bientôt la Reine du Clan des Attentifs se lève, suivit de la personne dirigeant les Exilés. Iasi observe la jeune femme qu'il ne connait pas quelques instants. Ce clan pourrait tellement lui apporter... Mais son regard se tourne alors vers Varsovie et décide de se joindre aux exilés. Et sans regrets il s'élance vers eux.

Eté 2020 Iasi a quelque peu changé. S'il est devenu un homme et à un corps sur lequel les os se dessinent moins, il n'a pas changé sur un point : la prostitution. Il en a besoin, c'est presque aussi vital pour lui que de manger. Séduire et s'amuser, il en a envie. Et puis il a trouvé quelque chose de fort intéressant sur le Territoire Gris : la Mandragora. Une forte dose a faillit le tuer, alors aujourd'hui il se contrôle. Il n'a pas aimé la dispute qu'il a eu avec Varsovie à propos de ça... Il n'aime pas se disputer avec celle qu'il pourrait presque appeler "mère". Mais il aime tellement cette drogue qu'il ne pourrait pas s'en passer, quitte à se prendre de nouveau la tête avec Varsovie à l'avenir. C'est d'ailleurs une des raisons qui l'ont poussé à continuer de séduire : pour en obtenir. C'est cet extra et l'argent qu'il gagne par son corps qui lui permet de consommer cette drogue.
Mais il n'en oublie pas moins ce que Varsovie attend de lui. S'il s'est rapproché d'elle et la considère comme la mère qu'il n'a jamais pu avoir, il sait qu'il n'a pas le droit de la décevoir. Et même si parfois il peut observer cette déception au fond de ses yeux, Iasi fait tout pour se faire pardonner.