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❝ solving everyday problems with lies ❞ // quito

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❝ solving everyday problems with lies ❞
“In three words I can sum up everything I've learned about life: it goes on.” ― Robert Frost ✧ Il se meut entre les âmes enragées, esquive les lames d’une agilité déconcertante et porte son regard partout où il a besoin d’être. Jakarta guette les siens, supervise, s’entretient avec les formateurs, pose ses yeux sur ses perles rares, futurs guerriers d’arène qui pourront un jour être ceux qui se battront pour prendre sa place. Écarter les plus faibles pour les faire s’améliorer davantage avant de se présenter sous ses yeux bleus attentifs aux moindres mouvements des meilleurs, de l’élite de ses combattants, des champions en devenir. Il passe sa main droite dans son cou, laissant ses doigts glisser dans ses cheveux courts blonds avant de caresser son tatouage si particulier qui inspire le respect et l’obéissance. Ses yeux roulent et sa rage s’anime. Pour la faire taire et l’endormir, il décide de se confronter à l’un des jeunes les plus prometteurs avec avoir examiné son talent et la façon dont son corps dansait dans le vent. Le jeune homme est fin, leste, vif. Il n’a aucun mal à esquiver les coups de son Roi, mais n’ose pas toucher fort lorsqu’il parvient à l’atteindre. Il retient ses coups et tourne autour de lui, jusqu’à ce que son supérieur ne parvienne à attraper son bras. Tout ceux qui ont le regard perdu dans cette petite bataille savent qu’au moment où leur gouverneur s’empare de l’un des membres d’un adversaire, il est déjà trop tard pour celui-ci. Sans honte, sans gêne, Jakarta balance le prétentieux au loin et quitte l’emplacement du combat, attrape le bras du gamin et le relève de bonne guerre. Il lui fait fermer son clapet d’un regard sévère après la raclée que le petit vient de prendre et celui-ci n’a plus qu’à baisser les yeux.

Le Roi s’empare de sa veste et s’éloigne sans un regard en arrière, satisfait d’avoir remis à sa place un gamin un peu trop arrogant à son goût. De sa grandeur, il inspire confiance, il inspire respect. Le meneur se retire sans un bruit dans son bunker et laisse son corps s’allonger sur sa chaise confortable, exigeant silence et quiétude pour s’abandonner à une réflexion poussée qui le ramène encore et toujours au passé. Il laisse ses pensées se délayer dans l’absence de bruit mais il se retrouve beaucoup trop rapidement interrompu et son esprit devient confus. « Jak. T’as de la visite, vieux. Un gamin monarque, il dit qu’il est là pour te parler de fonctionnement, de Pangée ou de je-ne-sais-quoi encore.Tu crois que je peux me le taper ? demanda-t-il avec un sourire blagueur. — Pas ton style.Shit. Bon, laisse-le entrer. »

Il renvoie son messager pour laisser entre l’intéressé, celui qui demandait tant à le rencontrer, à lui parler, à le découvrir. C’est là qu’il le voit, jeune homme, petit brun aux cheveux courts, monarque dans ses vêtements, monarque sur sa gueule et des yeux bleus attachés à sa bouille d’ange. Il le connaissait, il avait déjà croisé cette douce créature. On ne saurait lui arracher son sourire ravageur et son regard hautain. C’est la méfiance et la tension qui s’installent immédiatement dans la chair du Roi qui n’a qu’une envie : voir ce gosse déguerpir au plus vite. Il aimait les Monarques, il les affectionne tant au point de vouloir être l’un des leurs, mais le magnifique dégage quelque chose qui n’inspire en aucun cas la confiance de Jakarta. Il garde un visage fermé malgré par les rides de la méfiance, de l’incompréhension, de la recherche afin de creuser le mystère de cet être. Puis il détend ses traits, accroche un sourire charmeur au bord de ses lèvres, laisse ses dents à moitié jaunies par le temps s’afficher, contrastant largement avec la blancheur céleste de celles des Monarques. L’une de ses mains, posée sur l’un des bords de son siège, joue avec les poils de sa barbe quand la seconde attrape alors une clope. Il l’allume sans remords en plein milieu de son lieu, de son endroit, de son territoire fermé, bunker isolé, inspire durablement la mort qui le consume et souffle la fumée qui le noie avant de s’adresser enfin à son interlocuteur. « Qu’est-ce qui t’amène ici, gamin ? »
Jakarta
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SOLVING EVERYDAY PROBLEMS WITH LIES.
☆ ★ ☆
Aux idées embrumées, aux logiques persuasives. Ils tenaient le pouvoir, pour donner des miettes aux pantins, pour assouvir des désirs incertains. Mais qui pouvait vraiment s’en rendre compte ? Qui pourrait ouvrir les yeux, sur les manigances de fond, sur les messes basses du laboratoire. Pas Quito, en tout cas, pas maintenant, pas pour l’instant. Trop dans le moule, trop ancré dans un système pyramidal, un système qui semble, pour l’instant, fonctionner comme des rouages trop graissés. Quito, le grand gamin, monté bien trop tôt, diront certains. Le gamin, au regard silencieux et aux lèvres trop curieuses, il agit, les ordres, il transmet, les jugements, les avis, à défaut de donner les siens. Parfois, il aimerait, dire tout haut ce qu’il pense tout bas, soumettre une hypothèse, qui pourrait défaire un peu cet engrenage. Mais, il tient à son rôle, il tient à cette situation qui est arrivée sur un plateau d’argent, qu’il a réussi à gagner face à la misère du passé. Alors, muettement, il claironne, ordres et ordonnances, décrets et présages.

Un matin, alors que l’alcool de la veille coulait encore trop dans ses veines, Quito, émergeait dans les draps de satin. L’aube, rayons aux douces caresses, venant chatouiller le bout de ses plumes, laissant une aurore autour de son visage. Les voiles fins des rideaux, dans sa chambre du cloître, venaient danser langoureusement au rythme de la brise matinale. Un oeil, puis l’autre, avant d’attraper son gousset d’or. Presque à l’heure, presque. Enfiler une chemise blanche, un jean foncé et se rafraîchir le visage, pour ne pas paraître trop faiblard. Ce serait une honte sinon, et il ne pouvait pas se le permettre, pas maintenant, pas quand certaines tensions peuvent, si facilement être évitées. Les apparences, fluettes importances qui tenaient une place au sein du groupe, que Quito, avant n’aurait compris. Mais, dorénavant, ça lui plait, le paraître, ce qui peut sembler superficiel, il a pris le temps d’aimer, ce genre de chose là. Maintenant, que sa vie ne rime plus avec survie.

Les missions du jour. Messager, encore et toujours, ailes aux chevilles qui s’envolent. Quelques rapports sur les nouveaux arrivants, l’inventaire des ressources du mois à transmettre au magasin général, et les examens trimestriels de la semaine. Il n’aimait pas le lundi, même rengaine, répétition des tâches, qui s’enlisent au quotidien. Commencer par les robustes, commencer une journée sur les chapeaux de roues, pourquoi pas. Alors, quelques documents sous le bras, réajuster une cravate trop serrée, et s’en aller, direction l’ambassade des gros bras, le bunker sanglant.

Quelques pauvres présentations, il n’avait pas le temps, Quito, pas le temps pour bavasser avec des moineaux sans cervelles, pas le temps pour ces pitreries de basse cour. Il sortit sa carte, où son statut était inscrit en lettres d’or, tout en désignant les papiers sous son bras. Il ne voulait voir que toi, et seulement toi. L’endroit lui paraissait sale, pittoresque, rien d’aussi grandiose que le marbre du quartier blanc, rien d’aussi fabuleux que sa tour d’ivoire. Faisant des coudes, il passa une fois que le bon petit garde alla voir sa maman.

Un bureau sobre, presque taché de sang, comme tout le reste. Les effluves du fer et de la transpiration, rien de bien salivant. Quito entre, le pas pressant, sur de lui, minois aux aguets, regard saisissant, dont il te dévisage, le roi de ces lieux. Jak, le bon vieus Jak, toujours là pour pas en rater une, grande gueule avec cette part de rondeur, de douceur qui berce les rondes pupilles. Un bel homme, une belle carrure, qui impose un certain respect. Mais Quito, il aime jouer, jouer avec ces règles-là, effleurer du bout des doigts les cordes sensibles, les cordes qui vacillent.

Il s’avance, se glisse face au bureau, sourire angélique aux lèvres,tu es avachi dans ton trône, cibiche aux lèvres, méfiances dans les iris. Mais il s’en prélasse, Quito, de cette danse incertaine. Le gamin que tu l’appelles, il le joue, il endosse ce rôle qui lui sied tant.

“C’est un plaisir également Jak.”
Jetant presque les dossiers sur ton bureau, dans ta direction pour que le titre vienne se poser devant tes yeux. Examen trimestriel des Volontaires.

“C’est ton tour Jak, faut qu’on cause de tes morpions.”
Il s’installe, l’air de rien, rictus enflant les babines, défiant le frisson qui longe son échine. Car tout de même, tu es le roi, un supérieur hiérarchique, et il ne peut se permettre un faux pas. Il tend une main vers le paquet de cigarettes gisant sur la table, tout en jetant du coin de l’oeil ses belles paroles.

“Tu permets ? J’ai oublié les miennes. On en a pour quelques heures, tout au plus. Ce sont les ordres d’en haut.. Donc, fait un effort tu veux ?”


Tout en faisant un petit cercle vers le haut avec son index, il en prend une, l’allume et plonge l’azur de ses yeux, dans celles les tiens, son partenaire de cellule temporaire.

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❝ solving everyday problems with lies ❞
“In three words I can sum up everything I've learned about life: it goes on.” ― Robert Frost ✧ Il se languit devant ce corps connu, peu réceptif, comme indomptable, inaccessible. C’est ce qui l’amuse, le divertit. Il aime parcourir du regard ce qui ne l’appartient pas, ce qu’il crève de serrer entre ses mains, pour en sentir l’ardeur et la chaleur de deux corps qui s’entrechoquent. Il aime déstabiliser les visages pour mieux s’en amuser par la suite, parce qu’il sait que l’impossible ne deviendra pas possible. Il se délecte de ces muscles sous son regard bleuté, accueille à bras ouverts le blanc, le beau, le Monarque à la gueule d’ange, aux intentions plus ou moins incertaines. C’est toujours la même rengaine chaque fois que le gamin de quelques années de moi que lui passe par ici. Il se faufile entre les mailles de ses gardes de part son statut déposé sur un plateau d’argent. Quito n’est qu’un simple mouton, suiveur, soldat dont les ordres sont que très bellicistes. C’est sur le pacifisme qu’il s’assoit le jeune homme, saluant son aîné d’une manière un peu trop sérieuse. Peu amusante, peu intéressant. Jakarta avait toujours eu cette minable impression que ce petit n’était qu’un autre coincé qui se révélait pourtant détenir en lui un caractère bien plus complexe que les premières apparences droites et sans accroc.

Lorsque le dossier fila jusque sous ses yeux, balancé pitoyablement sur son bureau, il sait. Il sait que c’est son tour, le tour des Robustes de passer aux examens. Étape importante, barbante, ennuyante. Chaque fois que Quito passait par là pour venir effectuer son éternelle ronde des clans, quand son corps d’ivoire se muait dans le bunker sanglant, c’était son blanc immaculé et son parfum de fleurs qui faisait tache au milieu des odeurs métalliques et des éclats sanguins contre les murs sales des environs. Les Robustes n’avaient pas hérité du plus bel endroit ni du plus merveilleux pour les petits pupilles mais ils jouissaient d’une protection sans faille que peu pouvaient se réjouir de posséder.
Le Roi avait perdu l’espace d’un instant son doux rictus au bord de ses lèvres lorsqu’il avait compris que Quito était encore de retour pour les examens. Mais il l’avait rapidement récupéré car il s’agissait simplement d’une routine trimestrielle qu’il se devait d’honorer convenablement. Pourtant, le Robuste n’était pas à la tête de son clan depuis suffisamment longtemps pour être familier avec ces folies. Bien sûr, il avait subi, vu, écouté son prédécesseur mais il ne l’avait encore jamais appliqué. Il fallait dire que sa montée au pouvoir était encore beaucoup trop récentes pour cela.

Jakarta guettait de ses douces pupilles les frêles mains qui s’approchaient de son paquet de tueuses inoffensives — à première vue, jusqu’à voir l’étendue du désastre qu’elles causaient, des décennies plus tard. « Si ce sont les ordres, hein. » lui lâche-t-il en ricanant. Il avait horreur d’entendre cela. Lui qui semblait être en haut n’était en fait qu’un pion au sein du vaste échiquier de Pangonium. Nerveux, il tapotait d’une main sur sa chaise de fortune. « Bon. Éclaire-moi, le Monarque. Qui sont les aléatoires du jour ? J’espère que j’en fais pas partie hein. » dit-il en rigolant. Il haïssait les examens trimestriels, le privant de tout contact pendant deux jours, l’obligeant à débarquer avec les nouveaux. Il avait chaque fois la sensation de revivre son arrivée en Pangée, dur sentiment, dur passé dont il n’avait désormais plus envie de se rappeler. Néanmoins, cela faisait un moment qu’il n’avait pas été appelé. Peut-être que ce mois-ci, on allait sonner le glas.

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SOLVING EVERYDAY PROBLEMS WITH LIES.
☆ ★ ☆
Pupilles dilatées, se glissant sur la chaise, rudesse confortable dans le métal. Quito, il voyait en toi une certaine énergie. C’était différent, c’était attrayant. Te comprendre, chercher à percer cette carapace que tu arbores, roi des robustes, le vaillant, le mécréant. Il aurait pu apprendre à te connaître plus rapidement, quand tu n’étais que l’ombre du roi, quand tu accompagnais chacun de ses pas. Mais il y avait cette barrière, que tu portais, de tes muscles hauts et fiers. Défendant les positions, abrégeant les supplications. Mais maintenant, c’était cette couronne qui ornait ton visage, te mettant en avant. Alors, Quito, il pouvait dorénavant, il pouvait créer cet infime lien entre vos iris, créant un petit quelque chose, qui dépassait cette histoire de clan et de rébellion.

Le dossier glissa, le gamin s’installa, sourire sarcastique aux lèvres. On ne pouvait lire en lui comme dans un livre, ne sachant s’il était sérieux ou simplement acerbe de nature. Le papier palpable entre ses doigts, après avoir apporté la cigarette aux lèvres, recrachant la fumée à travers la pièce.
“Et bien, il me semble que le gong n’a pas encore sonné, pour le grand manitou, mais ce ne serait tarder.”

Le regard parcourt le bout de papier, à la recherche de ton nom familier. Trop sérieux, trop poreux. Cette discussion manquait de fantaisie, qu’il aimait tant, du moins, c’était temporaire. Renverser le verre, retourner la situation, il en était maître, il en était un grand adepte.  Bien sûr, ta carrure ne l’insufflait pas totale confiance. Il tenta un regard dans le tien, profond, ne cherchant pas encore à faire danser ses iris, il attendrait, sagement, que l’opportunité se montre sur un plateau d’argent.

“Alors, voyons voir ça. Ton Gouverneur y passe, et quelques partisans. ”
Il tourna la feuille, dans ta direction, pointant le bout de son index sur une liste écrite à la main par les hauts placés de Pangonium.

“Simple routine, n’est-ce pas ? Tu as leurs documents ?”
De la paperasse interminable. Voilà, finalement ce qui hantait le quotidien du gamin. Se noyer dans les lignes et les registres, transmettre, pigeon voyageur au bon vouloir. Ce rictus ne désenflait pas, garder la façade dans le paraître, dans les mirettes.
Pour porter à bien, les contrôles trimestriels, il devait rendre les rapports des volontaires, sur leurs moindres actes et faits divers, dans les temps. C’était le rôle du roi de lui transmettre ces documents-là, une fois la liste annoncée. Alors, comme bon petit rouage du mécanisme infernal, il attendit que tu daignes lui donner sa requête.
Croisant une jambe sur l’autre, se mettant de plus en plus à l’aise, Quito avait tendance à se sentir chez lui, n’importe où qu’il soit. Tirant une nouvelle fois sur la vénéneuse, c’est plus fixement qu’il te regarda, toi, la coquille pleine de sentiment. Il la sentait, du bout des narines, qu’il y avait un trop-plein de quelque chose, à une pointe de déborder.

“Dis-moi Jakarta. Pourquoi devenir roi ? “

Direct, sans pincettes, très peu pour lui les niaiseries. Tu étais mystère qu’il voulait se dévoiler, dans l’intimité, d’un prince et d’un roi.


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Quito
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❝ solving everyday problems with lies ❞
“In three words I can sum up everything I've learned about life: it goes on.” ― Robert Frost ✧ L’attente était rude et impatiente. Jakarta se montrait fort peu coopératif, avec la Hiérarchie lorsqu’il s’agissait de passer des examens. S’éloigner de son monde, c’était comme lui retirer sa couronne précieuse des mains. C’était comme retiré à un enfant le jouet qu’il avait désiré près de la moitié de son existence. Si ce n’était l’affaire que de deux pauvres journées de tests physiques et mentaux, il craignait plus que tout l'atmosphère oppressante des murs blancs sans contraste des salles d’essais. Il sentait en cet endroit que l’air quittait subitement ses poumons pour prendre le maigre espace qui lui était offert : celui de la pièce. Puis il se mettait à suffoquer à la manière d’une crise de panique incontrôlable.
Chaque fois qu’on le mettait là-bas, chaque fois que Quito apparaissait dans l’embrasure de la porte de sa chambre au milieu de Bunker Sanglant, il sentait son coeur palpiter soudainement. L’angoisse lui nouait l’estomac jusqu’à ce qu’il apprenne s’il allait devoir y retourner. Le supplice, dans l’attente de ses paroles, rendait ses gestes nerveux.
Il jouait avec son verre et le liquide brun, il préférait enchaîner les ryes sans se soucier de l’état de son foie. Il voulait oublier la sensation à l’arrière de sa tête qui l’empêchait prestement de réfléchir ; puis il reprenait ses esprits lorsque le verdict tombait, bien obligé de faire face à la sombre réalité.

Pourtant, un doux schéma se dessinait aujourd’hui. Pangonium ne demandait pas son nom, il était sauvé pour ce mois-ci mais Quito était plutôt clair : son tour viendrait. Il savait qu’il tenait entre ses mains au moins un bon mois de tranquillité avant de se soucier à nouveau de son avenir en Pangée. Ses soupçons s’estompèrent dans la seconde, la légèreté de son corps se fit instantanément ressentir. Ses épaules s’affaissèrent mais les responsabilités ne s’étaient pas dissipées.

Ses yeux parcouraient le papier en suivant les directives du Monarque et son doigt glissant sur les noms déposés. Il était presque soulagé de savoir que les jumeaux n’y passaient pas, mais c’était une épine dans le pied de ne plus avoir son Gouverneur pour deux jours de suite. Néanmoins, il savait y faire quand un haut placé devait s’absenter. « Quelque part au milieu de la paperasse. C’est pas moi qui gère, mais ils doivent pas être bien loin. » Avant qu’une once d’intimité ne s’installe entre les deux hommes, le Roi se lève prestement et sort la tête de la porte de sa modeste antre ensanglantée, rougie par l’âge. Il envoie l’un des siens aller chercher les documents à la demande du médiateur et retourne s’asseoir face à lui.

Adossée, jambes croisés, Jakarta remaque que son invité prend ses aises dans sa tanière ; ce n’était pas étonnant. Si l’endroit n’était, au premier abord, pas le plus accueillant, il s’avérait que la plupart des personnes qui arpentaient cet enclos sombre parvenaient à s’y sentir presque comme chez eux.
Jakarta se satisfaisait de ce sentiment naissant chez Quito.

Sa question ne manquait pas de tact et tandis que ses yeux se perdaient dans le regard bleuté du jeune homme brun, Jakarta s’exprimait de façon babillarde, incapable de comprendre comment les mots parvenaient à flotter dans son esprit. « C’était un but ultime, faire honneur à mon mentor, quitte à y laisser ma vie. Me rapprocher des Monarques, pour mieux les comprendre. Pour mieux faire face à la réalité, me rendre compte que je devais pleinement accepter mon statut de Robuste plutôt que de me languir sur les Terres Blanches. Pour me prouver à moi-même que j’en étais capable. Pour accomplir quelque chose au moins une fois dans ma vie, pour … »
Il laisse sa phrase en suspens. Les raisons ne semblent plus apparaître dans son esprit comme elle le faisait au début et il détourne subitement le regard de Quito. « Qu’est-ce que tu m’as fait encore ? Je t’ai déjà dit de pas faire ça bordel ! T’as rien entendu, Quito. Rien. »
Il refusait d’avouer l’amertume de son coeur, lui qui rêvait depuis son arrivée de pouvoir être le bras droit de Singapour, se faufilant au milieu des hommes de pouvoir. Il refusait d’avouer qu’il avait le sang d’un Robuste, l’esprit d’un Monarque. Il ne pouvait pas faire partie des deux camps, pas quand il devenait enfin Roi.

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Faire flamber la vérité, inciter doucement, dans le silence des yeux, à laisser les voiles tomber, à défaire les masques qui s’accrochent à la peau. C’était comme un jeu, qu’il n’aimait pas, Quito. Il n’aimait pas en jouer, de ces pupilles dansantes, de ces iris dorés. Un don ? Qu’ils appelaient ça en Pangée. Une malédiction qu’il surnommait dans son fond. Certes, pour le bien du clan, pour calmer Pangonium, il manipulait les regards du sien. Mais jamais pour ses propres fins. Peut-être, sauf cette fois-ci. Sauf à l’âme en peine que cachait le roi. Toi, qui arrivais, imperceptiblement, à détromper tout le monde. Toi, qui couvais en silence, un secret qui fendait ton coeur.

Quito, il est du genre curieux et cette plaie béante, il la voit sans la définir, il perçoit ce creux qui d’habitude, ne l’aurait pas le moins du monde dérangé. Mais tu avais quelque chose, quelque chose que la prestance ne saurait cacher, que la fougue ne saurait repousser. Alors, Quito, en toi il creusait, sans s’en apercevoir, elles avaient flambé, sans qu’il s’en rende compte. Quel dommage, que tes paroles, n’aient pas été naturelles, qu’il n’ait pas réussi à te soutirer tes dires, de ton bon vouloir. Un peu plus à ses aises, il t’écouta, attentivement. Mâchant tes mots, lisant tes lèvres. Tu étais sincère, automate, mais sincère.
Il avait le rictus en coin, quand tes sonates sonnèrent vraies, virant très vite à la surprise au fur et à mesure que tu te confiais. C’était donc ça.

“Et donc ?”

Tu repris pleinement conscience. Le pantin céda, les fils se coupèrent. Ton esprit, plus fort que le sien, réanima sous l’envoutement, celui qu’il n’aurait imaginé effectuer sur un roi tel que toi.

“Calme-toi, Jak ! Crois-le ou pas, mais ce n’était pas voulu.”


Un revers de main, il savait que tu n’allais pas gober cette vérité. Tirer une nouvelle bouffée pour s’éclaircir les idées, plonger le regard dans le néant, songeur à cette nouvelle information.

“Je ne vais rien dire, le bougre. Mon but n’étant pas de mettre la hiérarchie en péril, à quoi bon allez conter les aspirations incertaines d’un nouveau roi ?”


Il se redressa, Quito, prenant la situation en face de lui, se rendant compte de l’évidence du contexte.

“Donc les monarques. Tu voulais en faire partie ? C’est quoi, t’as un faible pour Singapour ou quoi? “


Il joua avec sa cigarette tout en ayant l’infime espoir d'atténuer la tension ambiante. L’astuce de la blague pour faire son petit effet.

“J’veux pas jouer au psy de seconde classe, Jak. Mais c’est quoi ce manque de confiance en toi, t’as l’air bien plus fort que ça non ? Tu voulais les blancs, t’es à la tête des rouges. Tu crois que tu perds au change tant que ça ?”


Se rappeler sa place, dans la Pangée. Tout est hiérarchisé, tout est contrôlé. Des pions sur un échiquier, vous n’étiez que cela, des pièces à abattre. Et soudain, Quito se demandait si ça valait le coup de se prendre la tête à savoir, là où on allait nous positionner, car ce n’était qu’un jeu pour certains. Là, où vous ne voyez rien.



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Quito
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22/05/2020
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❝ solving everyday problems with lies ❞
“In three words I can sum up everything I've learned about life: it goes on.” ― Robert Frost ✧ Un poids. Un poids qui pèse lourdement sur ses épaules depuis tant d’années, un sentiment de rejet, d’abandon. Voilà ce qu’il avait ressenti lorsqu’il avait été envoyé chez les Robustes plutôt que de lui laisser une place chez les Monarques ; et il ne supportait pas admettre que cette décision lui avait fait mal au coeur, en plus de blesser son égo. Il trouvait cela rabaissant et n’était pas fier de porter cette rancune dans son coeur.
Mais Quito l’avait forcé à parler, à s’ouvrir malgré lui. Même l’alcool n’avait pas cette force sur lui, qui d’autre que le fidèle médiateur des Monarques pour lui insuffler de parler de ce qu’il cache au fond de sa forteresse de glace. Néanmoins, cette atteinte le braque instantanément ; il n’a aucune envie que ses aspirations se sachent.

Il plisse les yeux, ne croyant pas tellement à l’idée que ce n’était pas voulu. Mais il ne poussa pas davantage. Il se referma comme un coquillage pendant un instant, empêchant alors Quito de s’approcher de sa conscience. Il n’avait jamais aimé ces intrusions intempestives. Les muscles de son corps se tendirent brusquement et il dut boire une nouvelle gorgée de son rye pour obliger son corps à se calmer.
Si Quito semblait lui promettre qu’il ne dirait rien, le Roi des Robustes restait encore méfiant. Cette information ne devait en aucun cas quitter cette pièce. Devait-il tuer le médiateur pour sauver une telle information ? L’idée lui effleura l’esprit avant d’être balayée immédiatement. Jakarta ne tuait pas pour conserver ses secrets. Et encore moins de sang-froid. Quito sortirait sain et sauf de cet endroit. De toute façon, le Robuste se voyait mal menacer le médiateur, ce serait comme un caprice de gamin, une erreur à ne jamais commettre. Quito ne mourra jamais de ses mains.

La petite remarque fit sourire le rouge. « Ah, si seulement. » commença-t-il. « Crois-le ou non, Singapour est comme un père pour moi. J’y peux rien, ça s’est acté comme ça après mon arrivée. C’est ce que j’ai vu en lui. » annonça-t-il non sans prendre une nouvelle gorgée de l’alcool qui fila sans attendre dans ses veines. Parler de lui, de ses sentiments, de ce qu’il ressentait, le mettait particulièrement mal à l’aise. Il sortait toujours de ces situations à travers l’alcool et les blagues. « Mais bon, j’suis pas incestueux. Quoique. » lança-t-il avec un haussement de sourcils. « Tu comprends pas. J’ai eu l’impression d’être rejeté par mon prop’ père. »

À ces mots, un pincement au coeur lui fit fermer solennellement les yeux. Jakarta n’avait jamais eu de père. Les seuls souvenirs qu’il en garde sont ses crises de colère et les coups qu’il a pu prendre pour que sa mère n’ai plus à sortir dans la rue en claudiquant avec des bleus sur le corps. Singapour avait rapidement joué le rôle de la figure paternelle pour le jeune homme.
Mais les paroles de Quito le ramenèrent à la réalité, le marquant profondément. Il lui semblait désormais, avec du recul, que son avis d’être un Monarque n’était peut-être qu’un caprice pour rester auprès de Singapour. Peut-être méritait-il sincèrement sa place au milieu des Robustes. Si l’ancien roi des Robustes avait remplacé pendant quelques années le figure paternelle qu’il avait trouvé puis perdu chez Singapour, Jakarta avait l’impression de perdre assez facilement ceux qu’ils voyaient comme un père. Néanmoins, il devait grandir, aller de l’avant. Profiter de ce qu’il avait entre ses mains. Devenir Roi n’était pas rien et lui permettait depuis quelques années de se rapprocher davantage de Singapour.
Il devait désormais ouvrir les yeux.
Il devait désormais grandir.

« T’as raison. Et t’sais à quel point ça m’coûte de dire ça, fumier. » lui dit-il en souriant. Il soupire, toujours le sourire aux lèvres. « Laisse-moi t’poser une question, Quito. Plus j’te regarde et plus j’me dit que tu ressembles à un pion au milieu d’un échiquier. Ça t’plait d’être au milieu de tout c’beau monde ? Tu r’ssembles même à un serpent qui collecte les infos, qui s’faufile partout. Pourquoi cette position ? Et promis, je te fais pas dire c’que t’as pas envie de m’dire. Moi. » ajouta-t-il froidement, avant de s’installer plus confortablement dans sa chaise, toujours son éternel verre à la main. Il le termina d’une goulée et se resservit, attendant une réponse. Au fond de lui, il espérait une réponse aussi franche que celle qu’il avait pu lui donner, mais il sait qu’il rêvait un peu trop parfois.

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