Venise avait le tract, mais elle était prête. C’était une pièce de théâtre qu’elle avait imaginé, rêvé et qu’elle avait partagé avec Anchorage avant d’oser la proposer à sa troupe. Une pièce de théâtre sérieuse et légère à la fois, qui faisait réfléchir, mais qui permettait aussi de s’aérer la tête. On voulait parfois oublier que de l’autre côté de ces murs, les gens souffraient. Elle regarda sa troupe, leur sourit, les encourage et c’était parti pour une heure de folie. Une heure c’était beaucoup quand on contait une histoire, mais aussi quand on dansait, quand on bougeait sans jamais s’arrêter. Le rideau tomba, le public applaudit et Venise se sentit souffler, enfin. Elle était si soulagée. Elle retourna aux loges avec sa troupe après avoir salué de nombreuses fois le public enthousiaste. Ici, c’était une réalité loin du reste du monde. Une réalité si douce, si légère pour la princesse des élégants. Elle était dans sa loge, en train de se démaquiller les yeux quand un bruit lui fit tourner la tête. Anchorage, bien sûr. Venise lui sourit avec tendresse alors qu’elle se redressa, se levant.

Elle portait une simple robe blanche un peu vaporeuse, mais avec son pouvoir, elle pouvait la rendre sublime. Une faculté qu’elle adorait utiliser, même si cela ne pouvait pas durer trop longtemps. Pourtant, face à son amant, elle était toute simple, souriant. « Entre seulement. » Dit-elle pour la forme alors qu’il était déjà dedans. Heureusement qu’elle ne partageait pas sa loge. Leur relation n’était un secret pour personne car Venise ne voyait pas l’intérêt de cacher qu’ils étaient amis, ainsi qu’amants. Même si Anchorage était seigneur des monarques, elle ne le voyait pas comme un ennemi. Bien entendu, les autres élégants ne pensaient pas tous ainsi et vu la tension entre les deux clans, elle devait se montrer prudente. Elle faisait confiance à cet homme, même si dans un coin de sa tête, elle ne baisserait jamais complètement sa garde, elle restait une princesse. Le compliment de son amant la fit légèrement rougir. « Oh, merci beaucoup ! » Pour un peu, elle se retenait de faire une révérence à la japonaise, geste acquis depuis toujours et qu’elle perdait au fil des années ici. Elle doutait régulièrement de son talent et les mots d’Anchorage ne manquaient pas de réchauffer son âme.

Elle avait des rêves, créer des séries pour la Pangée, créer un autre monde ici, un monde parfait. Un chef-d’œuvre, n’exagérait-il pas un peu ? Un rire s’échappa de la bouche fine de Venise. « Un chef d’œuvre ? J’ai hâte de voir si ton opinion est partagée par les autres. » Dit-elle en battant des cils, toute heureuse. Bien entendu, elle devait cesser de douter et peut-être cesserait-elle un jour de douter, mais pas aujourd’hui. L’élégante laissa le monarque approcher, remettre une mèche de cheveux derrière son oreille. Doucement, la brune aux cheveux courts posa sa main sur celle d’Anchorage comme pour la retenir. Elle le regarda droit dans les yeux alors qu’il lui fit une invitation sans en faire une. « J’espérais bien faire quelque chose avec toi. » Osa-t-elle dire avec audace et tendresse. Elle aimait bien le charmer, c’était dans sa nature d’élégante. Elle se détacha de lui, retourna auprès de sa coiffeuse, rangea sa place de travail. Elle était déjà changée. Elle était pieds nus et attrapa ses chaussures à plateforme, qui la grandissaient un peu, pour les mettre.

Elle se retourna vers lui, attrapant son sac à main et tout sourire, s’approcha pour lui effleurer la barbe qu’elle aimait bien. Elle espérait qu’il l’emmènerait chez lui. Comme après chaque prestation de théâtre, elle était énergique, vibrante. Elle avait envie de passer un moment tendre, ou moins tendre, dans les bras d’Anchorage. Même si au fond de sa tête, elle n’oubliait pas un petit souci. De ce qu’elle avait entendu, entre lui et Bombay cela n’allait pas. Un souci qu’elle se devait de creuser et de discuter. En tant que princesse, elle ne pouvait pas faire l’autruche face à certains soucis entre clans. « On va chez toi ? » Souffla-t-elle doucement, un murmure alors qu’elle effleura sa main.