nouvelle aube

@KYOTO feat. @QUITO ☾

La lourde trappe s'ouvre dans un puissant grincement, bruit métallique qui lui perfore les tympans. La lumière lui blesse légèrement la rétine. Après plusieurs minutes à grimper avec les quatre autres nouveaux volontaires depuis les laboratoires de Pangonium, là où elle avait demeuré tout le mois de mai, elle était enfin parvenue en Pangée. Ses yeux peinent à s'habituer à la luminosité. Le soleil vient de se lever, ses premiers rayons éclairant la petite ville artificielle. C'est joli. Et pourtant, la douce se sent mal à l'aise. Nouvel environnement, nouvelles règles, nouveau monde. Elle est là par sa propre volonté, avec un but bien précis en tête, un but qui transcende tout. Mais pourtant, la jeune ingénue en elle ne peut s'empêcher d'être parcourue par la peur, ce frisson de l'inconnu dans lequel elle a plongé corps et âme. Son regard se perd dans les jolies lumières du crépuscule du matin, nouvelle aube, premières aurores du jour dans ce qui sera désormais sa dernière demeure ; prisonnière, sujet de la Pangée ad vitam aeternam.

Le soleil a continué sa course dans le ciel, une ou deux heures se sont écoulées depuis qu'elle a franchi la trappe. Adossée contre la couveuse, les mains croisées, la demoiselle patiente. On lui a dit que quelqu'un viendrait lui faire visiter la cité. Les autres oisillons attendaient à l'intérieur leur tour, elle était la première. Les visites semblaient apparemment être individuelles, sûrement un moyen de mieux les jauger pensait-elle. Les analyser pour mieux les parquer dans ces fameux clans dont on lui avait fait un bref exposé plus tôt. La douce se demandait dans lequel son frère pouvait se trouver, et lequel elle allait à son retour rejoindre. Mais ses pensées furent écourtées quand elle vit un homme se présenter devant elle. L'inconnu, d'une haute stature et d'un regard azur perçant, semblait porter de beaux habits. Très certainement un Monarque, ou bien un Élégant ? Elle était encore novice pour les reconnaître. Ne sachant pas trop comment saluer dans cette cité, la gamine inclina doucement sa tête. « B-bonjour. » Réservée et troublée par sa fraîche venue dans cet endroit inconnu, elle tente de reprendre un peu plus d'assurance pour ne pas paraître comme un frêle agneau prêt à être dévoré.

Nouvelle Aube

feat. @Kyoto ☾

Lucarne sur la lune, dans la vague de lumière qui venait étinceler la Pangée. En haut du perchoir, caressant les nuages du bout des doigts, Quito laissait son regard envahir l’horizon de l’artificiel. Au loin, les murs, les portes, verdures s'entrecroisant aux habitations. Cela aurait pu être paisible, cela aurait pu être savoureux. Un microclimat, coupé du monde, coupé du reste. Se dire parfois, que plus rien n’existe au-delà, que la vie s’arrête à ce que l’on connaît ici, et c’est tout, uniquement la Pangée, Pangonium, ses groupes, ses clans, et ses organisations. Serait-ce suffisant ?  Serait-ce acceptable ? Résignement dans le vague à l’âme, acceptation dans le silence.

Douce matinée, à la fleur de l’aube, Quito descend de ses appartements, apprêté, habillé à son habitude. Une mèche domptée, l’élégance jusqu’aux ongles. Qui l’aurait cru, il y a six ans, que le gamin se retrouverait d’une chemise quotidienne, la tête haute, fanfaronnant des âneries à tout va. Pas lui, en tout cas. Se rendre à la trappe. Il était pour les nouvelles recrues aujourd’hui. Offert, de son bon vouloir, une mission qu’il aimait particulièrement. C’était une ouverture sur l’extérieur, un semblant de souvenir qu’il espérait lire dans les pupilles des printaniers, une vague de nostalgie qui gonflait ses papilles. Alors, le temps d’une journée, il allait aider à la couveuse, semant des politesses et des informations aux nouveau-nés.

Les explications en tête, ce matin-là, c’était une certaine Kyoto. Encore qu’une gamine, sûrement perdue, sûrement affolée. Il ne te connaissait pas Quito, c’était juste quelques lignes à ton sujet, qu’il avait dévoré d’un oeil avare. Curiosité dans l’iris doré, alors il s’empressa de te rejoindre, près de la fameuse, de la couveuse aux âmes perdues.
Le pas foula l’herbe encore fraîche, il te voit, adossée, le regard égaré. Alors, calmement, il se présente à toi, tout en franchissant les derniers mètres qui vous séparent.

“Bonjour, jolie fleur. Tu dois être Kyoto, n’est-ce pas ?”

Il marqua une courte pause, pour t’offrir un sourire réconfortant. Pas un qu’on pourrait penser ingrat, chez les monarques, mais un petit quelque chose pour te mettre en confiance, dans l’inconnu qui t’entoure.

“Moi, c’est Quito. Je vais te faire visiter la Pangée aujourd’hui, si cela te convient ? ”

Il te jaugea, non sans condescendance, mais plus par la bienveillance d’antan qu’il ne peut quitter, qu’il ne peut effacer même au nom des blancs. Ses souvenirs sont flous, mirage du passé qu’il effleurait de sa mémoire. Son passage avait été assez facile, bien qu’il s’accommodait assez aisément des situations les plus complexes. Mais peut-être n’était-ce pas ton cas ? Peut-être que tu en avais plus souffert qu’il n’y paraissait ?

Sortir une cibiche, la déposer dans le coin des babines, pour l’allumer sereinement. Il glisse ses pupilles dans les tiennes, Quito, se défaisant des banalités, se défaire des rouages donnés dans les discours écrit pour accueillir les oisillons comme toi.

“Tu vas bien ? Tout s’est bien passé jusqu’à présent ? … Tu fumes?”

Il te tend la boîte d’ivoire, juste au cas ou, juste au cas où l’enfant serait en fait jeune femme.